mardi 15 mars 2022

Sète... par ses bancs publics


 

Sète… par ses bancs publics

ou comment faire le tour de la ville de Sète de façon paresseuse!


«Les amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des je t'aime pathétiques
Ont des p'tites gueules bien sympathiques.»

- Georges Brassens

(né à Sète le 22 octobre 1921 et inhumé à Sète en octobre 1981)


Les gens de la région disent de Sète qu’on l’adore ou qu’on la déteste. Il ne semble pas y avoir de demi-mesure. Personnellement, je me demande bien comment rester objective devant ce coin du monde que j’aimais déjà (haaaa qu’il fait bon dans l’Hérault!) et qui accueille chéri depuis quelques temps. Parce que soyons honnêtes d’entrée de jeu, voir l’amoureux s’établir ici en pandémie et traverser l’Atlantique afin de l’y rejoindre pour une première rencontre avec la ville, ça provoque bien des biais cognitifs! Surtout quand tu la rencontres avec tant de promesses. Celle d’un retour en France après deux ans d’incertitude et de fatigue à tous les niveaux. Celle d’un séjour qui s’annonce ancré dans la douceur et le bleu de la Méditerranée. Et celle de cafés du matin dégustés sur un balcon en janvier. Et disons-le franchement, une ville qui ne voit la neige qu’aux 5 ans, ça ne peut qu’amplifier notre manque d’objectivité!


Alors, comment vous présenter Sète ? Comment vous la montrer surtout ?!? Pourquoi pas de la façon dont je l’ai découverte: lentement, flâneusement, paresseusement. Et en s’arrêtant, bien plus que le temps d’un baiser, sur chacun (ou presque!) de ses bancs publics rendus célèbres par l’illustre natif des lieux. N’est-ce pas là une belle façon de parcourir une ville ? Après tout, y a-t-il meilleure façon de parcourir la ville ?!?






Sète en résumé


Sète manque un peu d’amour. On le voit bien dans ses façades défraîchies ou ses balcons en fer forgé rouillés qui ont connu des jours meilleurs. Sète manque de vert aussi, d’espaces où s’installer à l’ombre des platanes du sud, pour se sentir un peu plus éloigné du bruit des voitures qui vrombissent en son centre. Bon, pour une habituée, comme moi, à la culture nord-américaine de l’automobile, on pourrait croire que ça passe inaperçu mais pourtant, lorsqu’on connaît un peu d’autres villes du sud, on ne s’y attend pas nécessairement. Mais cette absence de vert, elle a su la remplacer par du bleu.


Sète est surtout très agréable. En toute impartialité, promis! Mais lorsqu’on se surnomme la Venise-du-Languedoc pour ses larges canaux navigables qui la traversent et sans les foules de la belle italienne, comment peut-il en être autrement! Elle est aussi très cool, légèrement nonchalante, laissant beaucoup de place à la culture du sud (qu’elle soit artistique, historique ou gastronomique) et baignée de cette lumière méditerranéenne et de cette odeur marine qui me transporte immédiatement dans une humeur vacancière. Partout où tu poses les yeux à Sète, il y a du bleu, toutes les teintes de bleu.


Allez, sers-toi un verre de vin du Languedoc, un verre de blanc de préférence puisque tu t’arrêteras manger quelques huîtres en chemin et partons marcher à travers cette ville qui fut jadis le principal port d’exportation de ce nectar millénaire…





Un banc au bord du canal Royal


C’est probablement sur ce banc que tu débuteras ta découverte de Sète. S’il y a bien un banc incontournable où prendre une pause dans toute la ville, c’est ici! Bien assis devant le superbe édifice du palais consulaire qui abritait jadis l’influente chambre de commerce vu l’importance du commerce maritime à une autre époque, tu auras pour vue les belles barques colorées flottant sur le canal au premier plan. Et tu pourras choisir, selon tes envies, entre deux ponts, soit celui pour te rendre au Musée international des Arts Modestes juste en face ou celui qui te fera poursuivre la balade, du même côté du canal, pour t’attabler à une terrasse et profiter d’un verre de rosé...




En été, arrive tôt pour réserver ta place au bord du canal. Là où ont lieux les joutes de Sète, un tournoi qui prend ses racines d’une vieille tradition de la ville remontant à 1666. L’objectif ? Deux équipes sur deux énormes barques. À l'avant de chacune d'elles, un jouteur juché portant lance et bouclier (appelé "pavois") se lance à l'attaque de l'autre pour tenter de le déstabiliser et de le faire tomber à l'eau lorsque les embarcations se croisent. On dit que les combats sont spectaculaires et le jeu est si bien enraciné dans le folklore sétois que la ville possède plusieurs écoles de joutes et que les noms des vainqueurs passent à la postérité!



Un banc à la Pointe Courte


Bon, ici, dès le début, je dévie déjà du sujet puisque ce ne sera pas sur un banc à proprement parlé que tu te poseras. Et pourtant, c’est peut-être ici que tu découvriras Sète le plus indolemment possible. Situé au bord du grand étang de Thau, le quartier de Pointe Courte est rapidement devenu mon plus beau coup de coeur dans cette ville. Aux chants des goélands, tu iras d’abord t’asseoir sur les rochers pour prendre toute la dimension du plan d’eau. Puis, tu pourras déambuler dans ses ruelles que les habitants ont abondamment décorées. Enfin, tu ne manqueras pas de compléter ton passage sur un banc du bar du coin pour déguster des plateaux de produits régionaux. Et tu voudras y revenir...






La Pointe Courte est un petit quartier de Sète où les pêcheurs construisirent leurs cabanons au XIXe siècle suite à l'arrivée du chemin de fer et alors que le remblaiement d'une ligne laissa sur place ce bout de terre au bord de l'étang de Thau. C’est devenu plus qu’un quartier, presque un petit village en soit. Ici, on pêche la daurade et on cultive l'huître. Et c’est un grand plaisir de les déguster en terrasse au soleil et de se balader dans ses ruelles où s'est depuis établie toute une communauté. Ça deviendra assurément un passage obligé à chacune de mes visites!



Un banc au quai François-Maillol


Tout de suite, tu auras un faible pour le quai François-Maillol si, comme moi, tu peux rester assis longtemps, dans un état contemplatif, à simplement regarder le mouvement des bateaux sur le canal ou les oiseaux marins qui viennent se chauffer au soleil sur le pont d’un yacht, bien blotti au creux d’une épaule adorée. Tu l’auras compris, ici, on repose son esprit et ses muscles, on prend le temps de s’embrasser et on choisit un banc pour en faire un rendez-vous galant. Et si tu arrives à l’heure (ou que tu es très patient), tu auras peut-être la chance de voir le pont mobile du Tivoli se lever pour laisser passer le trafic maritime.





Assis sur ton banc soigneusement choisi, tu ne manqueras pas de remarquer l’épave deux couleurs (rouille, c’est une couleur, non?) amarrée en face. Il s’agit du Rio Tagus ayant, naguère, battu pavillon panaméen. Il s’est lamentablement échoué ici en 2010 et est, depuis, l’objet de moqueries pour ses mésaventures techniques et bureaucratiques. Je lui trouve un petit côté attendrissant mais dépêche-toi, sa petite histoire pourrait prendre fin d’ici quelques mois. Mais bon, le navire n’est pas à un retard près non plus!



Un banc au sommet de Sète


Pour prendre toute la mesure de Sète et constater par toi-même d’où la ville titre son (autre) surnom d’île singulière (selon le poète Paul Valéry, l’autre enfant du pays), tu devras prendre de la hauteur. Et à Sète, c’est pratique, tu n’as pas besoin de chercher longtemps pour monter puisqu’il n’y a qu’un seul sommet. Sur la cime du Mont Saint-Clair, qui surplombe la ville, tu t’assoiras sur le grand banc et tu remarqueras les parcs à huîtres de l’étang de Thau au loin, tu auras une bien meilleure vue sur les canaux et tu plongeras tes yeux et ton âme dans la Méditerranée. Pour accéder au belvédère, soit quand même prêt à grimper un long escalier qui n’est pas si évident que ça à trouver. Rend toi jusqu’à la cité scolaire Paul-Valéry (quand je te disais que c’était aussi l’enfant du pays), prend le chemin du Mas Rousson au sud du collège, assure-toi de rester sur cette rue et lorsque tu tombes sur la vieille grille de fer forgé portant l’inscription «Château Mont Fort», c’est que tu y es (mais tu peux aussi indiquer «escaliers du Mont Saint-Clair» sur Google Map pour le retrouver ou… monter en bus ou en voiture)!


Si tu arrives devant cet escalier, tu es au bon endroit pour le départ!



C'est au Mont Saint-Clair qu'est née la ville de Sète puisqu’il servit d'abord de repaire aux pirates, de point de surveillance des galères et fut aussi un lieu de prière (dès le XIIe siècle on y trouve un oratoire consacré à Saint-Clair). La montagne a une altitude de 182 mètres (ou 175 si tu choisis de lire la version anglaise sur les affiches qui s’y trouvent)!



Un banc au pays des morts


Mais non, n’aie pas peur! Tu ne risques pas de te retrouver en enfer dans cet endroit à flanc du Mont Saint-Clair, au contraire! Tu te diras même que de passer l’éternité au cimetière marin, avec vue sur la mer, doit faire bien plus de bien que le seul repos du corps. Tu auras même le choix du banc où t’installer pour hanter les lieux. Tu y côtoieras quelques figures célèbres de la place (mais, avouons-le, plutôt inconnues pour nous) et tu n’oublieras pas de t’arrêter sur celui qui fait face à la tombe la plus visitée du coin, celle dudit feu Paul Valéry. Profites-en pendant que tu es bien vivant : un cimetière aux sépultures centenaires est une source intarissable d’histoires du passé d’une bourgade.





Le cimetière marin de Sète accueilli ses premiers pensionnaires vers 1680. Alors nommé cimetière Saint-Charles, c’est nul autre que celui que tu connais déjà, Paul Valéry, qui lui donna son nom grâce à son poème intitulé… Cimetière marin.



Un banc pour plonger dans l’histoire de Sète


S’il y a un endroit où s’inscrit l’histoire de Sète, à différentes époques de sa vie, c’est bien au Môle Saint-Louis puisqu’il fut la première construction de la ville, à l’entrée du port et à l’extrémité du canal Royal. Prend place sur l’un des bancs qui le bordent et imagine-toi à la fin du XIXe siècle, attendant le retour des pêcheurs de morue de Terre-Neuve ou d’un négociant en vins d’Afrique. Si tu te déplaces un peu vers le phare tout au bout, tu peux aussi te transporter à l’époque de la deuxième guerre mondiale où plusieurs pages d’Histoire qui changèrent la face du monde furent écrites à un seul et même endroit. Et tout instagrameur digne de ce nom et abusant de mots-clics débutera aussi, ici, son plongeon dans le grand bleu sétois...






1939: Des Espagnols ayant combattu le régime de Franco s'embarquent au môle Saint-Louis de Sète pour rejoindre le Mexique et fuir les camps de concentration. Le Mexique est alors le seul pays à reconnaître le gouvernement républicain espagnol en exil.

1944: Le môle Saint-Louis est bombardé par les Allemands (comme tout le quartier d'ailleurs).

1947: 4000 juifs rescapés des camps de concentration quittent le pays à bord du célèbre bateau l'Exodus amarré au port, souhaitant émigrer clandestinement en Palestine.

1949: Inauguration du nouveau môle reconstruit par des Espagnols sauvés du camp de Mauthausen pour laisser l'empreinte des leurs dans cette ville et saluer la mémoire des anciens réfugiés. La boucle est bouclée.



Un banc pour s’absorber du bleu de Sète


Après le bleu pétant du môle, ne te reste plus qu’à admirer le bleu marin de Sète, ce pour quoi les touristes français envahissent la ville en été. Méconnue de nous, canadiens, la ville est très courue pendant la belle saison pour ses plages en bord de Méditerranée que l'on rejoint en longeant la corniche et ses falaises à partir de l’ancien fort Saint-Pierre, devenu théâtre de la mer. Ces plages forment d'ailleurs une multitude de petites criques invitantes où s'installer tranquillement. Mais si tu tiens absolument à t’ancrer sur un banc public, tu rencontreras le long de cette promenade une multitudes de petits balcons et un site protégé pour contempler tout ce bleu. Tu verras, de Sète, les bancs publics du monde entier t’attendent!





La corniche de Sète est un milieu naturel que l’on tente de préserver pour sa faune et sa flore remarquable puisqu’il y pousse une végétation particulière constituée de pelouses, de petites plantes coriaces et d’arbustes fleuris.



Sète, il me tarde déjà d’y revenir pour profiter de tes bancs publics et de la douceur qui en émane mais aussi de contempler ta joie de vivre sous un soleil plus estival...

 

Conseils pratiques à Sète 


Combien de temps consacré à Sète ?


On n’a jamais trop de temps à consacrer à Sète. Bien sûr, tu peux faire le tour rapidement en un long week-end à la suite duquel tu voudras revenir pour compléter ta visite. Mais si tu aimes, comme moi, prendre le temps de bien découvrir un endroit, une ville à la fois, je te conseille de prévoir une semaine complète pour bien t’imprégner de Sète. Et en prime, tu auras peut-être aussi du temps pour élargir tes horizons autour de l’étang de Thau (comme je l’ai fait un peu si tu m’as suivie sur Instagram ici).



Où dormir à Sète ?


Comme tu l’auras compris, j’ai dormi gracieusement chez l’habitant pendant mon séjour sétois! Mais voici quelques pistes si tu n’avais pas ma chance qui, je crois, vont t’aider à planifier tes vacances.


Georges Hostel & Café : Une auberge de jeunesse située au coeur de Sète avec tous les services classiques d’un hostel. 55$ CAN/nuit (pour un lit en dortoir), 125$ (chambre privative), 200$ (chambre familiale pour 5 personnes).


Ibis Budget Centre : Les hôtels Ibis offrent des chambres économiques, minimalistes mais confortables. Celui de Sète est à 15 minutes du centre et sert les petits-déjeuners. Environ 72$ CAN/nuit (pour une chambre double ou triple).


Grand Hôtel : Un hôtel réputé de Sète, au charme ancien, situé au bord du canal Royal et dans un magnifique bâtiment du XIXe siècle. 182$ CAN/nuit (pour une chambre standard) jusqu’à 350$ (pour une suite donnant sur le canal).



Où manger à Sète ?


Un jour, je ferai une longue liste des bonnes adresses gourmandes de Sète lorsque je les connaîtrai bien mieux. Mais pour l’instant, je t’en conseille tout de même quelques-unes qui te donneront un avant-goût des spécialités sétoises.


Giulietta : La grande spécialité culinaire de Sète, c’est la tielle et Giulietta, c’est le temple de la tielle. Ne crains pas les ingrédients de la tielle (une tourte aux poulpes), c’est délicieux et ça te rappellera le goût de notre tourtière (oui, oui, promis, juré, craché)!


Le Passage : Je crois que c’est le seul restaurant-bar de la Pointe Courte et une adresse coup de coeur de mon voyage (j’y suis retournée deux fois)! C’est ici que tu dégusteras toutes les spécialités sétoises : les huîtres de l’étang, les encornets frits (nos calmars frits courants) ou la macaronade (l’équivalent du macaroni de ta mère version sudiste). Arrive tôt en haute saison pour avoir une table sur sa très agréable terrasse.


La Table de Laura : Excellent petit restaurant sympathique (voisin de Giulietta) qui propose des plats aux accents régionaux et des produits locaux. Poissons, pizzas et burgers avec une mention spéciale aux couteaux en persillade et leur panure maison et au magret de canard.



Comment venir à Sète sans voiture ?


De Paris, par le TGV Ouigo Paris-Montpellier (départ à la Gare de Lyon) pour un trajet d’environ 4h00. Plus tu réserves ton billet tôt en saison, plus il sera abordable (environ 40$ CAN jusqu’à 160$ CAN si tu t’y prends à la dernière minute).


Montpellier est aussi facilement accessible en train de la plupart des grandes villes françaises. Mais attention, assure-toi que ton billet te mènera bien à la gare Montpellier Saint-Roch (et non pas à celle de Montpellier Sud de France puisque tu te retrouveras alors à l’extérieur de la ville et ça compliquera légèrement tes déplacements jusqu’à Sète).


De Montpellier, le train Intercités t’amènera directement à la gare de Sète en 15 minutes pour quelques euros.


Ressource:


L’office de tourisme de Sète a une longue liste de balades et de circuits à te proposer et on t’y reçoit très cordialement.




Voyage effectué en janvier 2022.


Sète est située dans la région d’Occitanie, plus spécifiquement dans le département de l’Hérault que tu peux découvrir plus amplement ici ou encore ici !


VOUS AIMEZ ? ÉPINGLEZ-MOI!



6 commentaires:

  1. Une très jolie balade ! Les photos que j'avais vues en cette ville me portaient à croire que je serais dans le camp de celles qui y sont insensibles, mais tu pourrais bien me faire changer d'avis.

    RépondreEffacer
    Réponses
    1. Pourtant, j'ai l'impression que tu l'aimerais. Ville mais un peu campagne, originale, juste assez "wild", je te le dis, tu l'aimerais!

      Effacer
  2. Avec un aussi beau descriptif parfaitement justifié et ces magnifiques photos tu as su mettre en valeur cette charmante ville,les québécois ne peuvent qu'être conquis,tout comme toi j'ai adoré le charme pittoresque de ce quartier de la pointe courte et la vue imprenable sur le Mt St Clair sans oublié bien évidemment ses bancs publics..Nous avons le plaisir de partager chacune la même résidence secondaire!!!Félicitations Annabelle pour ta belle plume

    RépondreEffacer
    Réponses
    1. Merci beaucoup pour ce commentaire! On se comprend donc sur la nature très agréable de cette ville!

      Effacer
  3. Je suis tombée par hasard sur cet article en cherchant un endroit en France où aller pour les vacances et ça me plait beaucoup. Merci de la découverte.

    RépondreEffacer
    Réponses
    1. Le genre de commentaire qui fait toujours très plaisir, merci beaucoup! Si vous choisissez Sète pour vos prochaines vacances, j'espère que la ville vous plaira autant qu'à moi.

      Effacer